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La scène pivote encore une fois, et représente un champ. Taïko en costume de guerre, environné de soldats, attend au passage son ennemi qui veut fuir. Mitsou-Fidé traverse la scène avec une suite peu nombreuse ; il est enveloppé par les hommes de Taïko. Celui-ci, après un long discours, dans lequel il accable de reproches son indigne serviteur, le fait charger de chaînes et l’emmène prisonnier.

La toile tombe ; la pièce est finie.

Elle a vivement intéressé le public : il a trouvé dans certaines situions des analogies avec les événements qui viennent de troubler le pays ; on a souvent substitué, par la pensée, Hiéyas à Mitsou-Fidé.

Tout le monde sort très satisfait.

Tout le monde, non. Fidé-Yori a la mort dans l’âme.

La jeune fille n’était pas à la représentation. Nagato s’efforce en vain de consoler son ami.

— Je ne la reverrai jamais ! s’écrie-t-il. J’avais espéré que je pourrais enfin être heureux dans la vie ; mais le malheur s’acharne contre moi. Tiens, ami, ajouta-t-il, j’ai envie de mourir ; tout m’accable. La conduite de ma mère, son luxe ruineux et fou, étalé en public, me remplissent, le cœur d’amertume. Plusieurs fois, en entendant les éclats de voix de ce soldat qu’elle a la faiblesse d’aimer, j’ai été sur le point de sauter dans cette loge ; de le frapper au visage, de la chasser, elle, avec la colère que mérite un tel oubli des convenances. Et puis ma rage tombait devant une pensée d’amour qui m’envahissait. J’espérais qu’elle allait venir, la jeune fille qui est toute mon espérance ; je fouillais la salle d’un regard avide. Elle n’est pas venue ! Tout est fini, tout est tristesse en mon esprit, et cette vie qu’elle m’a conservée, je voudrais m’en délivrer à présent !