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ravents, un lit, c’est-à-dire un matelas de velours et des coussins, meublent la chambre.

Le public reconnaît tout de suite le décor d’une des pièces le plus en vogue du répertoire.

C’est le troisième acte du Vampire, murmure-t-on de tous côtés.

Un jeune seigneur paraît sur la scène. Il est triste, le remords l’accable. Il a cédé aux séductions d’une enchanteresse qui le poursuivait, mais il s’est laissé vaincre seulement par la puissance de la magie ; il aime une jeune femme qu’il vient d’épouser, mais il s’est rendu indigne d’elle ; il tremble de la revoir.

La voici qui arrive le front penché.

— Hé quoi ! cher époux ! dit-elle, après quelques jours de mariage, c’est ainsi que tu me délaisses ?

Le mari proteste de sa fidélité ; cependant, il la repousse lorsqu’elle veut se jeter dans ses bras. À force de larmes et de prières, la jeune femme finit par l’attendrir, il la presse sur son cœur, et tous deux tombent sur le lit ; mais, alors, une femme, vêtue d’un costume rouge et noir, arrive en dansant ; ses cheveux flottent sur ses épaules, ses yeux lancent des éclairs, elle est belle d’une beauté terrible, sa danse est un enchantement ; elle fait des signes mystérieux, qu’accompagne une musique bizarre et entrecoupée ; les deux époux tremblent de tous leurs membres ; elle arrache la femme des bras du jeune homme et attire ce dernier vers elle. Il est glacé par l’épouvante, il frissonne ; ses dents s’entrechoquent, ses genoux se heurtent ; il finit par tomber à terre sans connaissance. Alors le vampire se précipite sur lui et lui fait une morsure au cou ; elle suce son sang avec délices, et ne s’interrompt que pour peindre sa joie par une danse désordonnée. Enfin,