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le visage caché dans un capuchon de crêpe noir, qui ne laisse voir que les yeux, emplissaient les loges du premier étage ; mais l’une d’elles, toute proche de la scène, demeurait vide ; elle s’ouvrit brusquement et une femme parut.

Les assistants ne purent retenir un cri de stupeur en reconnaissant Yodogimi. Était-ce possible ? la mère du siogoun entrant ouvertement dans un théâtre ! Avait-elle donc perdu tout respect des usages, des convenances, d’elle-même ? Le voile de gaze légère, qui s’accrochait aux grandes épingles de sa coiffure, et passait sur son visage, s’il indiquait l’intention de garder l’incognito, ne masquait nullement la princesse : on l’avait reconnue au premier coup d’œil. Cependant, l’étonnement fit bientôt place à l’admiration. On lui sut gré de n’avoir pas caché son charmant visage, que ce voile fin embellissait encore. De plus la toilette extraordinaire que portait Yodogimi émerveillait la foule : le tissu de sa robe était d’or pâle, couvert de perles fines et de grains de cristal ; elle semblait toute ruisselante, on eût dit que des étoiles étaient prisonnières dans les plis de l’étoffe. La princesse sourit en voyant avec quelle promptitude le premier mouvement de mécontentement avait été dompté par l’admiration. Elle s’assit lentement, et lorsqu’elle fut installée, on aperçut debout derrière elle un guerrier masqué.

Mais on entendait de vagues frissons de gongs, quelques roulades de flûtes, quelques coups étouffés frappés sur les tambourins. Les musiciens prenaient leurs instruments ; on allait donc commencer.

Le public se retourna vers la scène ; elle était fermée par une toile couverte de losanges et au centre de laquelle apparaissait, sur un disque rouge, un gigantesque caractère chinois : c’était le nom de la