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théâtre, celles de l’étage supérieur surtout. C’est là que les coquettes les plus élégantes étalent la magnificence de leurs toilettes. La vue de la salle est une fête pour les yeux ; la plupart des femmes sont charmantes avec leur teint mat et blanc, leur chevelure luisante, leurs yeux sombres ; les frissons de la soie, les cassures brillantes du satin, l’éclat des couleurs et des broderies forment un ensemble joyeux et superbe. Les femmes mariées sont facilement reconnaissables à leurs dents noircies, par un mélange de limaille de fer et de saké, à leurs sourcils arrachés, à la ceinture de leur robe nouée par un nœud énorme sur le ventre. Les jeunes filles font le nœud sur les reins et laissent à leurs dents leur blancheur naturelle. Elles se coiffent aussi différemment. Au lieu de laisser pendre leurs cheveux en une longue torsade ou de les rassembler en une seule masse au sommet de la tête, elles les relèvent sur le front, les disposent comme des ailes de chaque côté du visage et en forment un chignon compliqué et volumineux. Voici une femme qui a remplacé les épingles d’écaille, qui traversent d’ordinaire toutes les coiffures, par des épingles non moins longues, mais qui sont en or ciselé. Ses voisines ont préféré n’orner leurs cheveux qu’avec des fleurs et des cordons de soie.

Les hommes ne sont pas moins parés que les femmes, le crêpe, le brocart, le velours ne leur sont pas interdits ; quelques-uns ont sur l’épaule une écharpe brodée, dont l’un des bouts pend par devant ; plus l’écharpe est longue, plus le personnage qui la porte occupe un rang élevé dans la société ; lorsqu’il salue un supérieur il doit s’incliner jusqu’à ce que l’écharpe touche le sol ; donc plus elle est longue, moins il se penche. Plusieurs seigneurs, protégés par l’incognito,