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fleurs épanouies. Quelques jeunes hommes arrivent à cheval ; ils jettent la bride au valet, qui les précédait en courant, et gravissent rapidement l’escalier du théâtre. Abritées sous de larges parasols, plusieurs familles s’avancent à pied. Sur le canal, un encombrement de bateaux assiége le débarcadère, les bateliers échangent des injures, les femmes mettent pied à terre avec de petits cris d’effroi. Elles sont suivies par des servantes, qui portent des coffres magnifiques en ivoire sculpté, en nacre, en bois de santal. La salle est bientôt remplie, et l’on ferme les portes.

À l’intérieur, le théâtre a la forme d’un carré long. Le parterre est divisé, par des cloisons basses, en une série de compartiments égaux : aucun chemin n’est ménagé pour gagner ces sortes de casiers, c’est sur la crête de ces petites murailles de bois, assez larges pour qu’on puisse y poser les deux pieds, que l’on s’aventure pour atteindre le compartiment qui vous est réservé. La pérégrination n’est pas sans péril, elle s’accomplit au milieu de cris et d’éclats de rire. Les femmes, embarrassées dans leurs belles toilettes, avancent avec précaution, trébuchant quelquefois, les hommes leur tendent les bras pour les faire sauter dans les compartiments. Quelques-unes préfèrent s’asseoir sur la cloison et se laisser glisser. Chaque casier peut contenir huit personnes, elles s’accroupissent à terre sur une natte, et, dès qu’elles sont installées, un serviteur, attaché au théâtre, leur apporte, sur un plateau de laque, du thé, du saké, un petit brasier et des pipes.

Au-dessus du parterre, deux rangs de loges s’étendent sur trois côtés de la salle, le quatrième côté est occupé par la scène. Ces loges, très-richement ornées de dorures et de peintures sur des fonds de laque rouge ou noire, sont les places les plus recherchées du