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que la jeune suivante favorisait l’amour du prince. Tika poursuivait le projet de faire de sa maîtresse une princesse de Toza. « Puisque le prince de Nagato est mort ! disait-elle. D’ailleurs Fatkoura s’est assez vite consolée de sa perte. »

— Tu es libre maintenant, lui avait-elle dit un jour, tu peux aimer le prince de Toza.

— Je n’aimerai jamais qu’Ivakoura, lui avait répondu la jeune femme.

— Aimer un mort ! cela ne durera pas, avait pensé Tika.

Mais, depuis ce jour-la, Fatkoura ne lui parlait plus, elle ne lui permettait même pas d’être en sa présence. Tika pleurait contre la porte ; sa maîtresse feignait de ne pas l’entendre. Cependant, la jeune suivante lui manquait plus qu’elle ne voulait se l’avouer. Cette compagne de ses malheurs, cette confidente de ses tristesses, de ses chagrins, était nécessaire à sa vie. La captivité lui semblait plus dure depuis qu’elle l’avait exilée d’auprès d’elle ; une chose lui manquait surtout : c’était de ne pouvoir parler de son bien-aimé avec Tika.

Elle résolut de lui pardonner et de lui avouer que le prince était encore vivant.

Un jour, elle l’appela.

Tika repentante s’agenouilla au milieu de la salle ; elle cacha son visage derrière ses larges manches et laissa couler ses larmes.

— Tu ne me parleras plus du prince de Toza ? dit Fatkoura.

— Jamais, maîtresse, dit Tika, si ce n’est pour le maudire.

— Eh bien, je te pardonne ; parle-moi de mon bien-aimé comme autrefois.