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– Toujours, dit le siogoun, et le jeune général est au désespoir d’avoir été réduit à l’inaction.

— Je veux justement te demander de lui donner l’ordre d’entrer en campagne.

— Comment cela ?

— J’ai une injure personnelle à venger, je te conjure de me prêter cette armée.

— De quoi veux-tu te venger, ami ? dit le siogoun.

— D’un de ceux qui t’ont trahi, du prince de Toza. Il a attaqué mon royaume, saccagé ma forteresse, enlevé ma fiancée, et trompé par une ressemblance, il a cru me tenir, et lui refusant la mort des nobles il a tranché la tête à un de mes serviteurs.

— De telles choses en effet ne peuvent être lavées que par du sang, dit Fidé-Yori, je vais te donner un ordre pour Signenari, et je mets une jonque de guerre à ta disposition. Ne ménage pas cet infâme Toza, ce traître, envieux et lâche, indigne du rang qu’il occupe.

— Je ferai raser ses tours, brûler ses moissons, et je le tuerai comme on égorge un pourceau, dit le prince, en regrettant qu’il n’ait qu’une vie pour payer tous ses crimes.

— Puisses-tu réussir ! dit le siogoun. Hélas ! ajouta-t-il, je me réjouissais de te revoir, et tu arrives pour repartir ! Quelle solitude, quel vide autour de moi ! quelle tristesse ! C’est que j’ai le cœur rongé par un chagrin secret dont je ne puis parler. Un jour je te le confierai, cela me soulagera.

Le prince leva les yeux vers le siogoun ; il se souvenait que plusieurs fois déjà un aveu était monté jusqu’aux lèvres du roi, et qu’une sorte de sauvagerie