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Le lendemain, Nagato alla prendre congé de la Kisaki ; elle était retournée au palais d’été, il la vit au milieu de ses femmes.

— Tu quittes déjà cette ville, qui te doit la victoire, sans prendre le temps de te reposer ? s’écria-t-elle.

— Je m’éloigne le cœur serré, dit le prince, mais un devoir impérieux m’appelle ; il faut, avant que la paix soit signée, que je venge l’outrage fait à mon nom, que je sauve Fatkoura ma fiancée.

— Fatkoura est en danger ?

— Elle est la prisonnière du prince de Toza ; un messager m’a apporté hier cette nouvelle.

— De telles raisons ne souffrent pas de réplique, dit la reine ; hâte-toi d’aller châtier cet infâme, et que le dieu des batailles te soit propice.

Sa voix tremblait un peu en parlant ainsi ; il allait donc encore courir des dangers, exposer sa vie, mourir peut-être.

— Je me crois invincible, dit Nagato, une déesse toute-puissante me protège.

La Kisaki s’efforca de sourire.

— Puisses-tu triompher et revenir promptement dit-elle.

Le prince s’éloigna. Avant de quitter la salle il la regarda encore ; une singulière inquiétude lui glaçait le cœur.

— Chaque fois que je me sépare d’elle, il me semble que je ne dois plus la revoir, murmurait-il.

Elle le regardait aussi, troublée par la même angoisse ; elle appuyait sur ses lèvres le bout de l’éventail que le prince lui avait donné.

Il s’arracha de sa présence.

Le soir même, il arriva à Osaka et se rendit aussitôt chez le siogoun.