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dieu ? Je suis le mikado, c’est-à-dire le seigneur suprême, l’a-t-on oublié ? Je suis sur la terre pour le bien des hommes, quand je pourrais être dans ma famille, au ciel. Si les choses durent ainsi, je vous abandonne. Comment ! vous ne tremblez pas ? À quoi pensez-vous donc ? N’avez-vous pas pris garde aux signes de colère qu’ont donné mes célestes aïeux ? Souvenez-vous donc : il y a peu de temps, une montagne est sortie subitement de la mer, devant l’île de Fatsisio ; n’est-ce pas terrible ? n’est-ce pas là une marque du mécontentement que les hommes inspirent aux dieux ? Le sol s’agitera encore, et tout sera bouleversé. N’est-il pas tombé, quelques jours après que cette montagne était sortie de l’eau, une pluie de cheveux dans les environs d’Osaka ? N’est-ce pas là un signe de malheur ? Vous êtes donc sourds et aveugles ? Vous ne comprenez plus les menaces du ciel ? Vous êtes endurcis dans le crime ? Vous ne craignez rien, puisque vous ne tremblez pas sous le souffle de ma colère ?

— Nous sommes tes serviteurs fidèles, dit le ministre de la Main-Droite.

— Moi, Go-Mitsou-No, le cent dix-neuvième de ma race, reprit le mikado, on m’a insulté, et si la terre ne s’est pas fendue en quatre morceaux c’est uniquement parce que mes pieds posent encore à sa surface, elle a été épargnée à cause de moi. Oui, des hommes, mes sujets, sont venus au daïri, ils en ont forcé les portes, ils voulaient me prendre, faire prisonnier le fils des dieux ! et, pour leur échapper, j’ai dû fuir. Un mikado fuir devant des hommes ! la rage m’étouffe. Je vous plongerai dans l’obscurité, j’éteindrai le soleil, je renverserai les mers, et je ferai éclater la terre en mille pièces.