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sceptre, confié par eux à d’autres mains. Est-ce que le véritable maître se réveillait enfin de sa longue torpeur ?  ? est-ce qu’il songeait à ressaisir le pouvoir et à gouverner lui-même son royaume ? Les ministres se regardaient les uns les autres, vaguement effrayés, quelques-uns d’entre eux favorisaient secrètement Hiéyas, d’autres étaient fidèles à la dynastie des mikados, mais ils manquaient d’énergie et craignaient toute révolte contre ceux qui étaient les maîtres de l’armée.

Mais puisqu’il prenait au fils des dieux la fantaisie de commander, on ne pouvait se dispenser d’obéir. On se hâta de réunir les seigneurs et les guerriers, dans la salle la plus vaste du château fort. Le mikado s’assit les jambes croisées sur une estrade, entourée d’une petite balustrade. On disposa les plis de ses robes autour de lui ; puis les seigneurs s’assirent à terre, tenant devant leur visage un écran étroit et long, afin de mettre un obstacle entre leur regard et la face du souverain.

Le prince de Nagato, Farou-So-Chan, qui était chef des cavaliers du ciel, Simabara, le général Yama-Kava, tous les ministres, tous les seigneurs étaient présents.

Go-Mitsou-No promena sur eux un regard courroucé, il enfla ses joues plus blêmes encore que de coutume, puis souffla bruyamment comme s’il eût voulu disperser des grains de poussière.

Enfin sa parole éclata, brusque, un peu larmoyante.

— Alors, dit-il, je ne suis plus le maître, je ne suis plus le représentant des dieux. On m’assiège, on m’outrage, on veut s’emparer de ma personne ! Je m’étonne que vous soyiez encore vivants. Qu’est-ce que tout cela veut dire ? C’est ainsi que l’on traite un