— Mais si la mort allait être décevante, dit le prince, si la vie aboutissait au néant, si tout était fini après le dernier soupir ?
— C’est impossible, dit-elle, en souriant, puisque mon amour est infini.
— C’est bien, dit le prince je me tuerai.
— Jure-moi de n’en rien faire s’écria la Kisaki. Que savons-nous des volontés du ciel ? Peut-être n’avons-nous pas le droit de nous soustraire à notre destinée, et si nous ne la subissons pas sommes-nous contraints de revenir sur la terre.
— Mais c’est impossible, je ne puis supporter la vie, dit le prince. Tu ne comprends donc pas ce que je souffre ? Tu dis que tu m’aimes et tu me tortures ainsi !
— Crois-tu donc que je ne souffre pas ? Je te jure, moi, de mourir de cet amour sans avoir recours au suicide.
Le prince s’était jeté sur le sol, le visage dans l’herbe ; de grands sanglots le secouaient.
— Tu me désespères, Ivakoura s’écria la reine, toute ma force d’âme se brise devant ta douleur. Je ne suis qu’une femme en face de toi ; ma volonté n’est plus souveraine : que faut il faire pour sécher tes larmes ?
— Me permettre de te voir de temps en temps comme autrefois, dit le prince ; alors seulement je pourrai laisser venir la mort.
— Nous revoir après ce que je t’ai dit.
— Je l’oublierai s’il le faut, divine amie ; je resterai ton sujet humble et soumis. Jamais un regard, jamais un mot ne trahiront l’orgueil dont mon âme est pleine.
La reine souriait en voyant le bonheur éclairer