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Un oiseau chantait au-dessus d’eux.

— C’est toi, Ivakoura, dit-elle d’une voix faible, tu es près de moi enfin ! tu vois bien que la mort est clémente et qu’elle nous a réunis !

— Hélas ! dit le prince, nous sommes vivants encore.

La Kisaki se souleva et s’appuya sur une main, elle regarda tout autour d’elle, cherchant à se souvenir, puis elle reporta ses yeux sur Nagato.

— Un homme ne m’a-t-il pas arrachée à mon palais et emportée brutalement ? demanda-t-elle.

— Un misérable s’est rendu coupable en effet de ce crime qui mérite mille morts.

— Que me voulait-il ?

— Il voulait te faire prisonnière afin de pouvoir imposer des conditions au mikado.

— L’infâme ! s’écria la reine. Le reste, je le devine, ajouta-t-elle, tu as poursuivi mon ravisseur et tu m’as sauvée. Cela ne me surprend pas. Dans le danger, c’est toi que j’invoquais ! Tout à l’heure, lorsque j’ai perdu connaissance, j’ai songé à toi. Je t’appelais.

Après avoir dit ces mots, la Kisaki baissa les yeux et détourna la tête, comme honteuse d’un tel aveu.

— Oh ! je t’en conjure, s’écria le prince, ne rétracte pas tes paroles, ne te repens pas de les avoir prononcées, laisse cette rosée divine à une plante brûlée par un soleil implacable.

La Kisaki leva ses grands yeux sur le prince et le regarda longuement.

— Je ne me repens pas, dit-elle, je t’aime, je l’avoue fièrement. Mon amour est pur comme un rayon d’étoile, il n’a nulle raison de se cacher. J’ai beaucoup songé en ton absence : j’étais effrayée par le sentiment qui pénétrait en moi de plus en plus, je me croyais