Page:Gautier - La sœur du soleil.djvu/280

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Nagato acquérait la certitude que Yama-Kava avait abandonné la position. Il retrouvait les traces du camp, des cendres de feux éteints, les trous creusés par les poteaux des tentes.

— Qu’est-ce que cela présage ? se disait-il si le général a quitté son poste c’est que le danger l’appelait ailleurs ; le combat est peut être commencé, peut-être tout est-il fini et arriverai-je trop tard !

À cette pensée le prince, saisi par une angoisse affreuse, lança son cheval vers la montagne et je poussa dans un sentier âpre et peu accessible. S’il réussissait à gravir la côte, il atteindrait Kioto en quelques instants, au lieu d’employer plusieurs heures à faire le long détour des rives du lac et de la rivière.

Loo fut le premier qui s’engagea derrière son maître ; tous les matelots le suivirent bientôt, après avoir rappelé l’avant-garde. À grand peine on atteignit la crête de la colline ; elle se rattachait par une courbe peu profonde à une autre cime plus haute : c’était la montagne d’Oudji, sur laquelle on récolte le thé le plus délicat.

Le Verger occidental où avait eu lieu la lutte poétique présidée parla Kisaki était situé sur cette montagne. Le prince trouva cet enclos devant lui, il fit franchir la palissade à son cheval et traversa le verger, c’était plus court.

Les arbres étaient chargés de fruits, les branches trop lourdes ployaient jusqu’au gazon.

Le prince s’arrêta au bord de la terrasse, d’où l’on découvrait la ville, juste à l’endroit où quelques mois auparavant la reine s’était approchée de lui et lui avait parlé avec des larmes dans les yeux.

Il jeta un rapide regard sur Kioto.