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Nagato, le glaive à la main, passant sur un cheval qui sembla à Hieyas ne faire aucun bruit.

Ses nerfs affaiblis, son esprit surexcité par la fièvre et encore engourdi de sommeil, ne lui permirent pas de réagir contre une crainte superstitieuse ; sa force d’âme l’abandonna ; il poussa un cri effrayant :

— Un fantôme ! un fantôme ! cria-t-il, répandant l’effroi dans ! e camp entier. Puis il tomba rudement à terre sans connaissance. On le crut mort.

Quelques chefs reconnurent aussi le prince de Nagato et, non moins enrayes que Hiéyas, achevèrent de mettre le désordre dans l’armée.

Le cri « Un fantôme ! » courait de bouche en bouche. Les soldats, qui étaient sortis au bruit d’alarme, rentraient précipitamment sous leurs tentes.

Quelqu’un d’héroïque eut l’idée de s’approcher du sac pour voir si la tête coupée y était toujours. Lorsqu’il s’aperçut qu’elle avait disparu, cet incrédule se mit à pousser des clameurs en annonçant la nouvelle ; la confusion était à son comble ; tous ces hommes, si braves, devant un danger réel, frissonnaient en face du surnaturel ; ils se jetaient à plat ventre en invoquant à hauts cris les Kamis ou Bouddha, selon leur croyance.

Le prince de Nagato et ses hommes furent très surpris de l’accueil qu’on leur faisait, mais ils en profitèrent et traversèrent le bois sans être inquiétés.

Lorsqu’ils furent de l’autre côte de la forêt, ils s’attendirent les uns les autres, puis se comptèrent ; pas un ne manquait, ils étaient tous à cheval.

— Vraiment les kamis nous protègent, disaient les matelots ; qui aurait cru que l’aventure se terminerait ainsi ?

— Et qu’on nous prendrait pour des fantômes !

On allait se mettre en route.