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— Si nous sommes près de l’ennemi, tant mieux, dit le prince, puisque c’est lui que nous cherchions.

— Comme il fait noir, s’écria Loo, on dirait la nuit.

— C’est l’orage, dit Nata, ces huttes se trouvent là fort à propos pour nous abriter.

En effet, la pluie se mit bientôt a tomber par torrents, les quelques arbres disséminés dans la plaine se courbaient jusqu’à terre avec toutes leurs branches chassées d’un seul côté. Le tonnerre grondait.

Les matelots envahirent les huttes désertes ; ils étaient las, ils se couchèrent et s’endormirent.

Pendant ce temps le prince, adossé au chambranle d’une porte, regardait au dehors, la pluie, rude comme les tiges d’épis, tomber en creusant le sol ; parfois le vent la rompait et l’emportait en poussière.

En réalité, Ivakoura ne voyait pas ce qu’il regardait ; ce qu’il voyait, c’était le palais de Kioto, la vérandah au milieu des fleurs, la reine descendant les degrés, lentement, le cherchant du regard, lui souriant à demi. Il commençait a éprouver une douleur insupportable de cette longue séparation. Il se disait que peut-être il mourrait sans l’avoir revue.

Deux hommes parurent dans la plaine. Maltraités par la tempête, ils se hâtaient le long du sentier.

Instinctivement, Nagato se dissimula dans l’ouverture de la porte et observa ces hommes.

Ils étaient vêtus comme des paysans ; mais le vent, qui soulevait leurs vêtements d’une façon désordonnée, montrait qu’ils étaient armés de sabres.

Ils marchaient droit vers les huttes.

Le prince réveilla Raïden et Nata et leur montra ces paysans armés qui approchaient toujours, aveuglés par la pluie.

— Vous voyez, dit-il, en temps de guerre, les pê-