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Yoké-Moura, penché par-dessus la balustrade, abritait ses yeux avec ses mains et s’efforçait de percer la pénombre du regard ; il distingua une oscillation de l’armée d’Aroufza.

— Bien, dit-il.

Et il redescendit rapidement, sans répondre aux nombreuses questions dont on l’accablait.

Il alla se poster à quelque distance du point où devait aboutir le souterrain. Il était terminé, car depuis le milieu du jour les coups de pioche avaient cessé ; on avait laissé seulement une mince épaisseur de terre, qu’on devait percer au dernier moment.

À la tombée du jour le général avait prêté l’oreille, il avait alors entendu un bourdonnement de pas ; l’ennemi était engagé dans le souterrain. C’est alors qu’on avait allumé cette flamme sur la tour. À ce signal Aroufza devait s’ébranler et aller assaillir l’ennemi à l’autre extrémité du souterrain.

La nuit était tout à fait venue. Yoké-Moura et ses soldats attendaient dans le plus profond silence.

Enfin des petits coups commencèrent à se faire entendre. On frappait avec précaution pour produire le moins de bruit possible.

Le général et ses hommes, immobiles dans l’ombre, tendaient l’oreille. Ils entendaient la terre tomber par mottes, puis elle se crevassa et l’on put percevoir le bruit de la respiration de ceux qui travaillaient.

Bientôt un homme laissa voir son torse hors de l’ouverture ; il se détachait sur une ombre plus intense que l’obscurité. Il sortit, un autre le suivit.

On ne bougea pas.

Ils s’avançaient avec précaution, regardant de tous côtés, on en laissa sortir environ cinquante ; puis, tout à coup, avec des cris féroces, on se rua sur eux.