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les ennemis campés près d’un petit bois. Du côté de la mer, dans la baie, la flotte de guerre finissait d’appareiller ; plus près, les rues de la ville, coupées d’innombrables canaux pareils à des rubans d’azur, étaient remplies d’une foule anxieuse. Les travaux avaient été suspendus ; tout le monde attendait.

Les troupes ne bougeaient pas.

Fidé-Yori se lassait de regarder : une sourde irritation commençait à gronder en lui. Il fit demander Yoké-Moura.

— Le général est introuvable, lui répondit-on, son armée est sous les armes, prête à sortir au premier signal, mais jusqu’à présent deux mille hommes seulement ont quitté la forteresse.

Enfin, vers le soir, l’ennemi fit un mouvement. Il s’avança du côté de la ville. Aussitôt les soldats placés sur la colline par Yoké-Moura descendirent impétueusement. Quelques coups de feu brillèrent, le combat commença. L’ennemi était supérieur en nombre. Au premier choc, il repoussa les hommes du siogoun.

— Pourquoi Aroufza ne s’ébranle-t-il pas ? disait le siogoun ; est-ce une trahison ? je ne comprends vraiment rien à ce qui se passe.

On entendit des pas nombreux et précipités dans la tour, et tout à coup Yoké-Moura sortit sur la plate-forme.

Il tenait entre ses bras une grosse botte de paille de riz. Les hommes qui le suivaient portaient des broussailles.

Le général écarta vivement les courtisans et même le siogoun. Il forma un énorme bûcher, puis il y mit le feu.

La flamme s’éleva bientôt, claire, brillante ; sa lueur illumina la tour et empêcha de voir dans la plaine que le crépuscule envahissait.