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— Adieu ! adieu ! cria-t-elle, dernier refuge de mon espoir tenace. Derrière tes murs, château du bien-aimé, j’ai pu rêver encore un bonheur tardif et lointain, mais c’est fini, je suis vouée au désespoir ; la dernière lueur qui brillait pour moi s’éteint avec le jour qui fuit.

On se remit en route et le château disparut. Le prince de Toza laissa la moitié de son armée sur le territoire de Nagato. Des messagers lui annonçaient que Figo n’avait pas pu rompre les lignes ennemies, mais qu’en apprenant la nouvelle du siège d’Hagui ; Ivakoura s’était subitement éloigné pour marcher au secours de la forteresse. Il était parti la nuit sans bruit ; le matin on avait trouvé la plaine déserte. Figo allait le poursuivre, mais la victoire serait certaine si l’on pouvait barrer la route à l’ennemi et l’écraser entre deux armées.

Toza donna des ordres aux chefs des troupes qu’il laissait, puis il se hâta de gagner Chozan, où ses navires l’attendaient. Ce seigneur ne voulait pas laisser plus longtemps ses États sans défense : il craignait le voisinage du prince d’Awa qu’il croyait dévoué à Fidé-Yori.

Lorsque les jonques eurent quitté la côte et firent voile, dans la mer intérieure, vers le canal de Boungo, le prince vint saluer sa prisonnière. Il l’avait installée sous une tente superbe, à l’arrière du plus beau navire, celui qu’il montait lui-même. Fatkoura était assise sur un banc recouvert d’un riche tapis ; elle fixait ses regards sur les rivages de Nagato, qui disparaissaient dans le lointain inondé de lumière.

— As-tu quelque désir, belle princesse ? demanda Toza, veux-tu que je te fasse monter des friandises ? aimerais-tu à entendre le son de la flûte ou du biva ?