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taient-ils pas des frères ? En effet, ils avaient le même uniforme, ils parlaient la même langue ; quelques-uns pleuraient en reconnaissant des amis dans les rangs ennemis. Les vaincus s’étaient assis à terre dans une attitude d’accablement, ils croisaient leurs mains sur leurs genoux et baissaient la tête.

On rassemblait les sabres, les arcs, on en faisait des monceaux que l’on rendait aux vainqueurs.

Le prince de Nagato et le général s’avancèrent dans l’intérieur de l’île. Harounaga laissait pendre de son poignet le fouet aux lanières d’or, les écailles de sa cuirasse s’entrechoquaient, bruissaient ; il appuyait une main sur sa hanche.

— Que l’on amène le chef des révoltés, dit le prince.

Sandaï s’avança.

Il avait encore le masque de cuir noir verni qui s’adapte au casque et est porté dans les combats ; il le retira et laissa voir son visage attristé.

La présence de Nagato troublait singulièrement ce chef, qui avait sollicité et obtenu autrefois sa protection auprès de Fidé-Yori. Il s’était plus tard attaché au régent, par ambition. Maintenant il trahissait son premier seigneur.

Le regard calme et méprisant de Nagato faisait peser sur lui toute l’infamie de sa conduite ; il comprenait qu’il ne pouvait plus tenir la tête haute, sous la double humiliation de la défaite et du déshonneur.

De plus, le prince lui semblait revêtu d’une majesté particulière.

Au milieu de ces guerriers cuirassés, abritant leurs front sous des casques solides, Ivakoura était tête nue, vêtu d’une robe de soie noire, traversée d’un ondoiement doré, il avait aux mains des gants de satin blanc qui lui montaient jusqu’au coude, et au-dessus