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— Prenons le large, dit Raïden, ils ont des chaloupes encore, ils pourraient nous poursuivre.

— Et nos compagnons ?

— Ils s’en tireront, sois-en sûr. Peut-être sont-ils déjà loin.

Les soldats au hasard lançaient des flèches, on en entendit quelques-unes tomber dans l’eau comme une pluie autour des canots.

— Ils sont si maladroits qu’ils pourraient nous atteindre sans le vouloir, dit Nata en riant.

— Au large ! s’écria Raïden en ramant vigoureusement.

L’obscurité depuis un instant était moins profonde, une blancheur pâle s’épandait dans le ciel, comme une goutte de lait dans une tasse d’eau. Du bord de l’horizon, la lueur émanait plus vive, trouble cependant, éclairant à peine. C’était l’aube de la pleine lune qui se levait. Bientôt, comme la pointe d’un glaive dépassant l’horizon, l’astre jeta un éclat d’acier. Aussitôt une traînée alternativement claire et sombre courut sur la mer, jusqu’au rivage, des étincelles bleues pétillèrent à la crête des vagues ; puis la lune parut comme l’arche d’un pont, et enfin elle s’éleva tout entière, pareille à un miroir de métal.

On était hors de la portée des soldats, Nata avait pris les rames ; Raïden frottait avec du saké la tête de Loo, appuyée sur les genoux du prince.

— Il n’est pas mort au moins, le pauvre enfant ! disait Nagato en posant sa main sur le cœur de Loo.

— Non, vois : sa petite poitrine se soulève péniblement, il respire, seulement il est glacé ; il faut lui retirer ses habits mouillés.

On le déshabilla ; Nata ota sa tunique et en enveloppa l’enfant.