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Le daïmio d’Arima est arrivé ce matin à l’aube et a confirmé les assertions des messagers. Des éclaireurs ont été aussitôt envoyés sur différents points, et le siogoun m’a ordonné de rappeler au plus vite ses ambassadeurs afin de tenir conseil.

— Retournons au palais, dit la Kisaki.

On se mit en marche silencieusement ; les princesses seules chuchotaient entre elles en regardant le jeune guerrier.

— Qu’il est charmant !

— On dirait une femme !

— Oui, mais quelle énergie dans son regard !

— Quelle froideur aussi ! sa gravité tranquille inquiète et effraie.

— Il doit être terrible dans la bataille.

— Terrible aussi pour celle qui l’aimerait, son cœur doit être d’acier comme son glaive, ne le regardons pas tant.

— Oui, dit une autre, bien des femmes perdent l’esprit pour lui ; on m’a raconté qu’il était si fort ennuyé des lettres et des poèmes d’amour que l’on glissait sans cesse dans ses manches, qu’il les porte fendues ; de cette façon les tendres missives tombent sur le sol.

Nagato chevauchait près de la reine.

— Ces événements vont retarder ton mariage, Ivakoura ! dit-elle avec une certaine émotion joyeuse.

— Oui, reine, dit le prince, et les hasards de la guerre sont grands, peut-être n’aura-t-il jamais lieu. Cependant, puisque Fatkoura est publiquement ma fiancée, je veux qu’elle aille, en attendant les noces, s’établir dans mon château d’Hagui, près de mon père ; si je meurs, elle portera mon nom et sera souveraine de la province de Nagato.