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lui il n’ose pas se révolter ; son inaction, la société perpétuelle des femmes qui seules peuvent le servir, ont amolli son courage, il se sent à la merci de ses ministres, il craint d’être assassiné.

Parfois, cependant, un orgueil immense l’envahit, il sent courir un sang divin dans ses veines, il comprend que la terre n’est pas digne d’être foulée par ses pieds, que les hommes n’ont pas le droit de contempler sa face, il songe à rendre plus épais encore les voiles qui le séparent du monde. Puis, l’instant d’après, il s’imagine que le parfait bonheur serait de pouvoir courir librement sur les montagnes, de travailler en plein air, d’être le dernier des hommes ; il est pris alors d’un vague désespoir, il gémit, il se plaint. Mais on lui persuade que sa tristesse n’est autre chose que la nostalgie du ciel, sa vraie patrie.

En ce moment le mikado est prêt à recevoir les envoyés de Fidé-Yori. Ile viennent pour témoigner de la gratitude de ce dernier envers le souverain suprême qui lui a conféré le titre de siogoun.

On baisse un store devant le trône, puis on introduit les princes qui se précipitent le front contre le sol, les bras en avant.

Après une longue attente, le store est relevé.

Un silence profond règne dans la salle, les princes demeurent la face contre terre, sans mouvement.

Le mikado les considère du haut de son trône, il fait à part lui des réflexions sur les dispositions qu’ont pris les plis des vêtements ; sur un pan de ceinture qui s’est retourné et dont il voit l’envers ; il trouve que les insignes de Satsouma, une croix enfermée dans un cercle, ressemblent à une lucarne barrée par deux lattes de bambou.

Puis, il se dit : Que penseraient-ils si tout à coup je