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et c’est sans doute à cause de cela qu’il me semble n’être aimé que de toi.

Nagato leva vers le prince un regard plein de reconnaissance.

— Tu te sens pardonné par moi, n’est-ce pas ? dit Fidé-Yori en souriant, mais tâche de m’éviter les reproches du régent ; tu sais combien ils me sont pénibles. Va le saluer, l’heure de son lever est proche ; nous nous reverrons au conseil.

— Il va donc falloir sourire à cette laide figure, grommela Nagato.

Mais il avait son congé. Il salua le siogoun et s’éloigna d’un air boudeur.

Fidé-Yori continua à se promener dans l’avenue, mais il revint bientôt vers le bois de citronniers. Il s’arrêta devant lui pour l’admirer encore, et cueillit une mince branche, chargée de fleurs. Mais alors les feuillages se mirent à bruire comme sous un grand vent ; un brusque mouvement agita les branches et, entre les fleurs refoulées, une jeune fille apparut.

Le prince se recula vivement et faillit jeter un cri ; il se crut le jouet d’une vision.

Qui es-tu ? s’écria-t-il peut-être le génie de ce bois ?

— Oh ! non, dit la jeune fille d’une voix tremblante ; mais je suis une femme bien audacieuse.

Elle sortit du bois, au milieu d’une pluie de pétales blancs, et s’agenouilla dans l’herbe en tendant les mains vers le roi.

Fidé-Yori baissa la tête vers elle et la regarda curieusement. Elle était d’une beauté exquise : petite, gracieuse, comme écrasée sous l’ampleur de ses robes. On eût dit que c’était leur poids soyeux qui l’avait jetée à genoux. Ses grands yeux purs, pareils à des yeux