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obstinément. Il s’était fait alors préparer une boisson destinée à combattre l’insomnie. Un sentiment secret de coquetterie l’avait décidé à éloigner de lui une nuit de fièvre, il savait qu’il était beau, on le lui avait dit cent fois et le regard des femmes le lui redisait chaque jour. Cette grâce du corps et du visage, ce charme qui émanait de sa personne n’avaient-ils pas contribué à attirer sur lui la bienveillante attention de la souveraine ? Ils méritaient donc d’être préservés des atteintes de la fatigue et de la fièvre.

Dès qu’il eut appelé les serviteurs, le prince se fit apporter un miroir et s’y regarda avec une précipitation inquiète.

Le premier regard le rassura cependant.

Sa pâleur reprenait les teintes chaudes que la maladie lui avait ravies, le sang revenait aux lèvres et cependant les yeux gardaient encore quelque chose de leur éclat fiévreux.

Il apporta aux détails de sa toilette une attention puérile, choisissant les parfums les plus doux, les vêtements les plus souples, les nuances claires, vaguement bleuâtres, qui étaient ses préférées.

Lorsqu’il sortit enfin de son pavillon, les invités étaient déjà réunis devant le palais de la Kisaki. Son arrivée fit sensation ; les hommes s’extasièrent sur sa toilette, les femmes n’osèrent parler, mais leur silence était des plus flatteurs, il pouvait se traduire ainsi : celui-ci est digne d’être aimé, même par une reine, car ce corps parfaitement beau est le temple de l’esprit le plus délicat, du cœur le plus noble de tout l’empire.

La princesse Iza-Farou-No-Kami s’approcha de Nagato :

— Vous ne m’avez pas demandé des nouvelles de Fatkoura, prince, lui dit-elle.