Page:Gautier - La Reine de Bangalore, 1887.djvu/17

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

il se disait que l’homme était un intrus dans cette forêt mystérieuse, si peuplée, si vivante.

Malgré lui il entendait la conversation de deux soldats musulmans, marchant à quelque distance :

— Entends-tu le chant du douradj ? disait l’un d’eux : comprends-tu ce qu’il dit ?

— Ce qu’il dit, je l’entends très bien : Chir darem chekérek. (J’ai du lait, un peu de sucre.)

— C’est la femelle qui parle ainsi, le mâle dit : Ah ! Hussein Kuchté choud. (Hélas ! Hussein a été massacré).

— C’est un oiseau instruit dans la religion, puisqu’il déplore la mort d’Hussein.

— J’ai entendu d’autres douradjs, à Ester-Abad, ceux-là ne parlent pas persan, mais turc.

— Que disent ils ?

Dad mène touttélar. (Ils m’ont pris, hélas !) ; dans l’Arabistan ils parlent arabe et chantent ainsi : Bich-chucre tédoumou-n-Naàm (Avec la reconnaissance la prospérité dure toujours).

— Cet oiseau est bien singulier, s’il sait ce qu’il dit. Je l’ai entendu souvent, mais jamais je n’ai pu le voir.

— Il ressemble au faisan, avec la gorge parsemée d’un duvet très blanc, et il a une ligne rouge de chaque côté des yeux. Tiens, en voilà un : penche-toi et, par-dessous les branches, tu le verras.

Bussy n’entendit plus, les soldats étaient restés en arrière pour tâcher de voir l’oiseau ; le jeune homme leva la tête vers le réseau des branches, cherchant lui