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— Quelle coïncidence étrange ! dit madame d’Escars. Je suis effectivement tombée de cheval dans un endroit semblable ; mais il n’y avait aucun témoin de cette mésaventure qu’un petit pâtre que j’ai vaguement entrevu à travers mon évanouissement et que je n’ai jamais rencontré depuis. Qui a pu vous raconter cela ?

— C’est que je suis moi-même Petit-Pierre, et voici le mouchoir qui a essuyé le sang qui coulait de votre tempe, où j’aperçois la cicatrice de la blessure sous la forme d’une imperceptible petite raie blanche.

Madame d’Escars tendit sa main au jeune peintre, qui posa sur le bout de ses doigts roses un baiser tendre et respectueux ; puis, d’une voix émue et tremblante, il lui raconta toute sa vie, les vagues aspirations qui le troublaient, ses rêves, ses efforts et enfin son amour, car maintenant il voyait clair dans son âme, et, si d’abord il avait adoré la muse en madame d’Escars, maintenant il aimait la femme.

Que dirons-nous de plus ? La fin de cette histoire n’est pas difficile à deviner, et nous avons promis en commençant qu’il n’y aurait dans notre récit ni catastrophe ni surprise. Madame d’Escars devint au bout de quelques mois madame D***, et Petit-Pierre eut ce rare