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Bussy s’était élancé d’un bond vers la fenêtre :

— Naïk !

Et il avait un battement de cœur, dont la violence l’étonna.

— Suis-je fou ? murmura-t-il, est-il possible que l’idée seule de revoir cet homme qui peut me parler d’elle, me bouleverse à ce point ?

Il voulut se contraindre à ne pas soulever le store ; mais la lutte fut courte, à peine le temps de compter jusqu’à dix, et le jeune homme plongeait sa tête et son torse, hors de la fenêtre, dans la fournaise extérieure.

Sur la place, à quelques pas de la maison, un homme nu se tenait debout. Son corps brun était à tel point inondé de sueur, que le soleil se mirait dans ce ruissellement. Sa tête s’abritait sous une large feuille de figuier nouée sous le menton.

— Naïkl cria Bussy.

L’homme eut un sursaut de joie et joignît les mains comme dans la prière. Puis il courut vers la maison.

— Eh bien, Naïk, te voilà donc ? s’écria Bussy, quand le paria fut près de lui. Je suis vraiment bien coupable envers toi, car je t’avais, pardieu, complètement oublié, tant j’étais en fureur…, là-bas…, en quittant ce lieu maudit. Mais j’ai pensé à toi, depuis, et je m’en voulais de mon ingratitude. Comment diable m’as-tu retrouvé ?

— Ah ! maître, dit Naïk, dont les yeux si grands rayonnaient de joie, c’est toi qui m’as trouvé, tu as reconnu ma voix, tu te souvenais de mon nom ! j’allais chantant de rue en rue et de place en place, le