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tulation au gouverneur anglais. Je serais le premier militaire qui n’eût pas le pouvoir de faire des conditions à ceux qui ont défendu les murs dont il se rend maître. Je ne suis pas venu dans les Indes pour y être subordonné. Si j’avais cru que M. Dupleix et son conseil me chercheraient tant de chicanes, jamais je n’eusse hissé le pavillon français ici. Je serais entré dans la place, j’aurais fait contribuer les Anglais avec leur hiac battant[1], et, leur souhaitant le bonsoir tranquillement, après mes affaires faites, je serais allé à mes îles.

— Vous vous seriez mis, monsieur, dans un fort vilain cas, repartit Friel avec un peu d’impatience ; ce n’est pas vous qui avez pris la ville ; les braves sujets du roi ne se sont exposés que pour la gloire du prince, et pas pour vous, ils vous auraient forcé à arborer le pavillon.

La Bourdonnais baissa la tête un instant, puis chercha sur la table son brevet royal et le tendit à Friel.

— Vous voyez, lui dit-il, qu’il est écrit ici que tout ce que je ferai sera approuvé.

— Cette approbation n’a rapport qu’à vos opérations militaires. Le ministre ne peut favoriser la désobéissance aux lois, et vous savez fort bien qu’une fois le pavillon français arboré sur une ville, la place devient subordonnée au gouverneur général. Vous deviez, aussitôt entré, faire remettre les clés des

  1. En anglais : Jack, pavillon (Battre pavillon), l’amiral veut dire qu’il aurait laissé le pavillon anglais flotter sur la place.