Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/438

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

image, la mort me serait plus douce. Père, je t’en supplie, adjure Maya, fais-le paraître à mes yeux, celui que je voulais tuer, et par qui je meurs aujourd’hui.

— Tu seras exaucée, vierge charmante, dit le fakir : il paraîtra, tu le verras accourir, éperdu d’épouvante et d’amour. Lève-toi du bûcher, alors, cours dans ses bras, ils se refermeront sur toi, pour t’emporter dans le ciel.

— Ah ! merci ! merci ! s’écria la reine en saisissant la main de Sata-Nanda, qu’elle baisa pieusement.

Le collège des brahmanes s’avançait au-devant d’elle avec Panch-Anan à leur tête ; mais la foule, moins respectueuse que de coutume, s’écartait sans empressement devant eux ; on eût dit même que quelques murmures hostiles couraient çà et là et que, sans en avoir l’air, on barrait la route aux saints prêtres. Sur un signe de leur maître, les esclaves de Panch-Anan distribuèrent quelques coups de leurs cannes d’argent à droite et à gauche, on se recula, non sans jeter des regards de colère et de haine au ministre. Le bruit s’était répandu, parmi le peuple, que Panch-Anan avait contraint la reine à le désigner pour son successeur au trône, et qu’il l’avait poussée au sacrifice pour s’emparer de sa couronne. La nouvelle que le dur et avide brahmane, que l’on craignait autant qu’on le haïssait, succédait à cette souveraine tant aimée, augmentait encore le désespoir que causait le sacrifice.

Ourvaci monta en litière, cherchant des yeux le fakir qui s’était mêlé à la foule. Elle l’aperçut se frottant les mains d’un air de satisfaction, écoutant les murmures de la foule.