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servir deux parias abjects, qui n’ont pour fonctions que les besognes les plus immondes, celles que les castes les plus humbles ne veulent pas accomplir. Pourtant le brahmane est venu, le divin Rugoonat Dat, un illustre parmi les illustres, et le médecin qui te soigne est un des savants du palais. Mon étroite intelligence fait de vains efforts pour comprendre ce que tout cela veut dire.

— La reine ignore sans doute comment l’on me traite. Viens, sortons d’ici, tâchons d’arriver jusqu’à elle et de lui faire savoir ce qui se passe.

— Arriver jusqu’à la reine ! s’écria Naïk avec épouvante, mais nous serions mis en pièces avant même de l’apercevoir.

— Eh bien, essayons de nous glisser invisibles, et de loin, peut-être, nos regards pourront la surprendre traversant une terrasse pour respirer l’air frais du soir ; d’un seul coup d’œil, je la reconnaîtrai et je saurai si c’est ou non la reine que j’ai sauvée.

— Maître ! maître ! ta blessure !… s’écria Naïk, tout tremblant de peur, en voyant Bussy s’élancer de sa couche.

— Ah ! tu ne peux comprendre ce que j’éprouve, dit le jeune homme ; je ne puis plus tenir ici, il me semble être étendu sur un lit de braise ardente. L’as-tu jamais vue, toi, la reine ?

— Une fois, seigneur, c’était dans la forêt, je me suis jeté dans un taillis et la chasse royale a passé.

— Et tu l’as vue ?

— Hélas ! maître, tu songes trop à elle. C’est l’image