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tant il n’emportait pas, comme moi, l’espoir d’y revenir.

Du haut d’une des terrasses, dissimulé derrière un arbuste, quelqu’un regardait l’ambassadeur partir. C’était le ministre Panch-Anan.

Il s’était si bien effacé, tenu à l’écart pendant ces jours si doux pour les amants, feignant de s’absorber dans le soin des affaires, pour laisser à la reine toute sa liberté, qu’on l’avait presque oublié ; mais il n’oubliait pas, lui, et le regard dont il accompagnait l’étranger, était gros de haine et de menaces.

Les cavaliers dépassèrent la ville et, piquant leurs montures, galopèrent en silence, cherchant à se dissimuler l’un à l’autre leur désespoir.

Le moment de la séparation vint pourtant, ils s’arrêtèrent, osant à peine se regarder. La princesse, plus courageuse d’ordinaire, semblait à son tour accablée.

— Je ne puis m’empêcher de croire, dit-elle, que la destinée nous garde quelque trahison. Mon œil droit frémit, et j’ai vu tout à l’heure un oiseau fatal voler à notre rencontre. On veut rire des superstitions, ne pas croire aux pressentiments, et pourtant le cœur se glace quand les présages menacent un être cher.

Ourvaci, pâle comme une perle, se taisait.

— Le vrai, le seul malheur, c’est de se quitter, dit Bussy. Il n’en peut être de pire ; l’absence n’est-elle pas sœur de la mort ?

Il leur baisa les mains rapidement.

— Adieu ! cria-t-il en s’enfuyant, je reviendrai.

Mais lorsqu’un mouvement du terrain lui eut mas-