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coussins disposés autour de petites tables basses, en bois précieux incrusté de nacre.

Les cavaliers mirent pied à terre et des esclaves accoururent pour emmener les chevaux.

Des fumées flottaient, chargées d’odeurs appétissantes, et l'on voyait, dans les lointains du banyan, toute une foule de serviteurs s’agiter. On avait installé les fours portatifs en argent, et les glacières, avec la provision de neige pour les sorbets ; le lait tiède moussait dans des seaux de cristal, et l’on barattait le beurre activement, tandis que le riz cuisait, mêlé de piments et de jujubes, et que l’on pétrissait des gâteaux au miel et toutes sortes de pâtisseries.

La reine détacha son joli casque et l’accrocha à une branche.

— Est-il vrai que dans ta patrie, dit-elle à Bussy, les femmes et les hommes prennent ensemble leurs repas ?

— C’est vrai, dit-il.

Ourvaci se tourna vers Lila.

— Eh bien ! dit-elle, aujourd’hui nous adopterons la coutume de notre hôte.

La princesse se mit à rire.

— Qu’as-tu, méchante ? demanda la reine avec un sourire un peu inquiet.

— Je songe à ce fameux agneau farci de pistaches, qui nous a causé tant de tourment, et qu’il faut maintenant supprimer, car il ne peut pas être servi devant des brahmines comme nous. Pour sauver notre âme, nous l’avons cependant fait offrir en sacrifice à Kali.

— Ô reine ! quel chagrin tu me causes, s’écria