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gieuse à laquelle elles appartenaient : un triple croissant, tracé avec la teinture de safran, faisait reconnaître les adoratrices de Siva, et celles consacrées à Vichnou montraient deux lignes de limon du Gange, et au lieu du moukouty avaient à la narine une longue chaîne de coquillages.

Beaucoup de religieux se faisaient faire place, marchant lentement, d’un air important, salués au passage par leurs partisans, regardés avec dédain par les autres. Les lecteurs des Pouranas, le front marqué de poudre de santal, égrenant leur chapelet, portaient sous leurs bras les livres sacrés, enveloppés dans le tapis qu’ils étendent, pour s’asseoir, au milieu des carrefours où ils réunissent des auditeurs. D’autres, frottés de cendres, avec le lingam de Siva pendu au cou, avaient leurs cheveux relevés en une seule touffe, et tenaient à la main, au lieu de coupe, une moitié de crâne ; quelques-uns, à longue barbe, vêtus de tuniques jaunes, s’enveloppaient le torse dans une peau d’antilope noire. Beaucoup s’appuyaient sur de hauts bâtons de bambous, ou secouaient des arcs, ornés de plumes de paons et de sonnettes.

Puis le silence se fit, le peuple s’éloigna, on n’entendit plus que le sourd bourdonnement du tambour, qui devait battre nuit et jour, en signe de fête, et quelques cris d’esclaves, occupés à déharnacher les éléphants.

Le marquis dévorait du regard le tableau qui s’étendait à ses pieds.

À chaque moment, il interrogeait la terrasse où la reine devait paraître : mais il n’y voyait que le fourmillement de tout un peuple de colombes.