Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/317

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en ruine ; comment a-t-elle pu, en si peu de temps, retrouver toute sa jeunesse ?

À l’entour de la cour d’honneur, était rangée une armée d’esclaves, de serviteurs, de gardes, qui tous se prosternèrent quand le maître parut. Puis précédés du hadjib infatigable, le marquis et son ami errèrent à travers les merveilles du palais, durant des heures.

Ils virent les luxueuses écuries, aux colonnades de porphyre, peuplées de chevaux des plus belles races ; les étables pleines de bœufs blancs et de zébus de trait ; le parc aux éléphants, où Ganésa, installé à la meilleure place, reconnaissant son maître, le salua d’un grognement tendre en agitant ses oreilles ; et, de cour en cour, des jardins aux terrasses, des galeries aux appartements, ils allèrent, saouls de merveilles, jusqu’à ce que Bussy, épuisé de fatigue, se laissât tomber sur un divan, dans une petite salle éblouissante, qui valait, certes, la peine d’être admirée en détail.

— Ma foi, je suis à bout d’admiration, et je reste ici, s’écria-t-il, dans cette chambre qui tient vraiment de la féerie ; j’avoue ne rien comprendre à ce que je vois : sommes-nous dans l’intérieur d’un diamant ?

— Je suis affolé et écrasé, dit Kerjean, qui s’affaissa sur des coussins ; ces splendeurs dépassent la mesure humaine et donnent le sentiment de leur vanité, par l’impossibilité où elles mettent de les embrasser toutes ; l’homme est ici trop petit pour son œuvre. Quant à ce que nous voyons à présent, je ne me l’explique pas plus que vous, je croyais avoir une hallucination.

Le hadjib, souriant, se frottait les mains, en lisant sur leur visage la surprise des deux jeunes Français.