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dant français ; s’il se retire, le pillage est décidé, car on ne sait plus qui doit payer la solde des troupes.

— Hâtons-nous donc, dit Bussy ; qu’on assemble les umaras et tout le conseil.

Une heure plus tard, il quittait le Divan et, accompagné de sa garde d’honneur, se rendait, avec le grand vizir, à la tente de Salabet-Cingh.

Bussy était si pâle et si grave que le jeune prince eut un mouvement d’effroi en le voyant entrer.

Il se leva vivement, l’interrogeant avec anxiété du regard.

Le marquis s’inclina profondément.

— Sayet-Mahomet-Khan, Assef-Daoula, Bâhâdour, Salabet-Cingh, prononça-t-il d’une voix ferme, au nom du gouverneur de l’Inde française, nabab honoraire du Carnatic, au nom de la noblesse, des umaras et de toute l’armée hindoue, je te salue roi de Dekan.

Et s’avançant de quelques pas, il ploya le genou devant le prince et lui baisa la main.

Salabet, tout tremblant, le retint, attachant sur lui un regard égaré.

— Toi ! balbutia-t-il. C’est toi qui me fais roi ! Tu n’as donc pas oublié notre alliance ? Moi soubab ! C’était ce pressentiment qui me poussait vers toi par une si vive sympathie. Mais je rêve, n’est-ce pas ? Grand vizir, dis-moi, je t’en prie, suis-je éveillé ?

— Victoire au roi ! s’écria le brahmane ; que Ta Majesté prête l’oreille, n’entend-elle pas son peuple qui l’acclame déjà ?

La nouvelle se répandait et, en effet, des cris et des vivats éclataient au dehors.