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reur lui-même te le donnait. Au nom du Mogol, notre maître, je te proclame ici nabab du Carnatic. Tu seras souverain de toute la région qui s’étend du sud de la Chichéna au cap Comorin. Je t’accorde, en outre, comme apanage, la ville de Valdaour et son territoire, pour en jouir en propre, toi et tes descendants, et j’ajoute, à l’impôt de ce domaine, une pension de deux cent quarante mille livres, et une semblable que j’offre à la bégum Jeanne. J’ordonne que la monnaie frappée à Pondichéry soit la seule ayant cours dans toute l’Inde méridionale. Reçois aussi de moi, mon frère, suivant l’usage, un nom nouveau, celui de Bâhâdour Zapher-Cingh[1], avec le titre de munsub, commandant de sept mille chevaux. Ainsi que tu le désires, je reconnais la souveraineté de la compagnie française sur Musulipatam et Yanaon, et je lui accorde une extension de territoire à Karikal.

Le soubab ôta son turban royal, le posa sur la tête de Dupleix et prit son tricorne dont il se coiffa.

— Au nom d’Allah clément et miséricordieux, ajouta-t-il, je jure de me regarder toujours comme ton vassal, et de ne rien accorder, pas même une faveur, sans ton approbation.

Dupleix à son tour se leva, très ému.

— Comment te remercier, mon frère et seigneur, dit-il, d’une pareille générosité ? J’en ai le cœur inondé de joie et de reconnaissance ; mais, sache-le, ô Lumière du Monde, je n’ai pas soutenu cette guerre pour conquérir des royaumes, j’ai voulu servir le

  1. Le Lion de la Victoire.