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deur des étoiles lui affirmaient qu’il n’était pas vain. Aussi, la ville prise, et des négociations entamées, promettant quelques loisirs aux soldats vainqueurs, s’était-il empressé de demander les quelques jours de congé qui lui étaient bien dus après une année entière de navigation pénible, et les ayant obtenus, il sortit de Madras, au petit jour, se hâtant, vers la campagne inconnue, comme s’il s’enfuyait. Et combien il était heureux d’être seul et d’aller à la découverte !

Il dépassa vite les faubourgs de Madras et poussa son cheval au hasard à travers de magnifiques pelouses d’un velours clair, tachées de groupes d’arbustes plus foncés, qui faisaient ressembler la contrée à un beau parc.

Cet aspect se prolongeant, il mit sa monture au galop et, doucement rafraîchi par le vent de la course, enivré par l’incomparable pureté de l’air, il se laissa glisser dans une sorte de somnolence fiévreuse, où il lui parut que les pensées défilaient dans son cerveau avec la même rapidité que les prairies et les bosquets à droite et à gauche de sa course.

Il imaginait des aventures, des rencontres singulières ; de merveilleux palais ; une femme belle comme Sita, se prenant d’amour pour lui, l’entraînant dans une vie pleine d’enivrement et de dangers. Il voyait des combats terribles, des escalades, des harems forcés. Puis, un instant après, il songeait à Nour-Djehan, la sultane fameuse, « Lumière du Monde », dont il connaissait l’histoire ; il cherchait à s’ima-