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et de moutons ; les harems des seigneurs, dans des chars fermés, environnés d’eunuques ; et encore toute une cohue de marchands, d’aventuriers de tous états, de maraudeurs, de femmes, d’enfants, d’animaux.

La cavalerie marchait à droite, l’infanterie à gauche, l’artillerie et les éléphants au milieu. Sur le plus superbe, au centre du carré, assis, les jambes croisées, sous un tendelet pourpre, qu’on enlevait pendant la bataille, et qui surmontait la plate-forme à balustrade dorée servant de selle, apparaissait Nasser-Cingh, dans sa magnifique parure guerrière, d’or, d’argent, de pierreries, où sa large face et ses mains grasses faisaient trois taches noires.

À quelques pas du soubab, en arrière, marchait l’éléphant qui portait Mouzaffer enchaîné, et devant le maître s’avançait l’étendard royal, abritant sous ses plis une relique, qui était comme le cœur de l’armée et ne la quittait jamais. Elle était portée, sur une estrade couverte de tapis brodés d’or, par deux chameaux harnachés brillamment, et entourée d’une garde d’honneur.

Cette relique était un moshaf, un Coran, qu’on disait écrit tout entier de la main d’Hussein, le gendre du prophète. Deux lames d’or, incrustées de diamants, formaient la reliure de ce livre unique, et le coffret qui l’enfermait dans son bois odorant, était comme pavé de rubis et d’émeraudes, figurant des fleurs et des feuillages. Le Grand Mogol faisait aussi porter, dans les combats, un Coran semblable à celui-ci, et chacun prétendait posséder le véritable ; mais en somme ni l’un ni l’autre ne l’avaient, le moshaf, écrit