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avec Mahomet-Aly, avoir un point d’appui sérieux ; pour cela il faut prendre Gengi.

— Prendre Gengi ! s’écria-t-on de toutes parts, comme on aurait dit : prendre la lune.

— Cela me regarde, dit froidement Bussy.

— Prendre Gengi est impossible ; tout au plus peut-on bloquer la place, et elle a des munitions pour plus d’un an ; vous vous feriez écraser, jusqu’au dernier, sous ses murs.

— Gengi est non seulement imprenable, mais inaccessible, ajouta Chanda-Saïb ; les lions eux-mêmes ne peuvent atteindre le nid d’un aigle, et si vous échouez quel désastre !

— Est-ce que nous échouons ? dit le marquis en jetant un regard altier sur ceux qui avaient parlé ; les Français seront seuls à cet assaut, il n’y a pas à craindre qu’ils s’attardent à chercher des trésors.

— Ne m’accable pas sous le poids de mes fautes passées, dit Chanda-Saïb en courbant la tête.

Bussy étendit la main vers le drapeau :

— Jurez-moi, dit-il, de ne conduire qu’à la victoire cet emblème de la France, de le livrer aux flammes, s’il risquait d’être pris par l’ennemi.

— Je le jure, sur les cendres de mes parents assassinés, enfermés dans ce tombeau, dit Chanda-Saïb.

Le nabab de Kanoul ouvrit la main au-dessus d’un Coran, posé dans une niche au-dessous d’une lampe d’or :

— Je prends à témoin le nom d’Allah et de son saint prophète Mahomet, dit-il.