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— Le voici, répondit Chanda-Saïb, qui entrait derrière eux.

— Le chef français viendra-t-il ?

— Dans quelques minutes il sera parmi nous. Deux de mes umaras courent à sa rencontre, et le guideront jusqu’ici.

— Alors les Français n’abandonnent pas Mouzaffer-Cingh, malgré ses fautes, et sa folle reddition à l’usurpateur ?

— Ils lui restent fidèles, au contraire, et veulent le sauver, dit Chanda-Saïb ; j’ai déjà cette bonne nouvelle à vous apprendre qu’ils viennent de remporter une victoire éclatante et presque invraisemblable, sur Mahomet-Aly, le second fils d’Allah-Verdi, qui me dispute aujourd’hui la nababie d’Arcate.

On le questionna avec empressement et il raconta la bataille : Les Français, trois cents seulement, retranchés dans la pagode de Tiravadi, transformée en forteresse, attaqués par l’armée de Mahomet-Aly, grossie de vingt mille hommes envoyés par Nasser-Cingh et aidée par les Anglais : plus de quatre-vingt mille hommes. Toute cette multitude repoussée avec des pertes énormes ; puis le camp surpris la nuit, l’armée taillée en pièces, Mahomet prenant la fuite, à peine vêtu, en criant : C’en est fait de moi ! et courant sans prendre de repos, s’enfermer, avec les débris de son armée, dans l’inexpugnable forteresse de Gengi[1].

  1. Voici ce que dit Voltaire, à propos de cette bataille, qui n’est cependant pas la plus brillante de cette extraordinaire campagne : « C’était une journée supérieure à celle des trois