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dresser devant le trône, et où oscillaient deux énormes plateaux d’argent, suspendus par des cordes de soie.

— Pesons l’or, pour commencer, dit le roi.

Des esclaves jetèrent deux petits tapis de soie ouatée dans les plateaux, pour éviter le bruit, et amassèrent sur l’un les lingots et les barres d’or, sur l’autre des poids de marbre et de bronze.

— Non, non, pas cela ! s’écria l’Ombre de Dieu, c’est moi qui me mettrai dans la balance ; on comptera combien de fois il y aura mon poids d’or et de pierreries.

Et Nasser cherchait à dégager ses pieds des tapis et des couvertures, pour descendre de son trône, tandis que les umaras et les courtisans faisaient entendre un murmure approbateur.

Le hadjib, maître des cérémonies, une haute canne d’ivoire à la main, vint aider le maître, qui eut quelque peine à se tenir debout ; il lui rajusta les plis froissés de sa tunique rose, brodée de grappes de raisin en topazes, et le soutint par le coude, tandis qu’il s’accroupissait, en se cramponnant aux cordes, dans le plateau de la balance, dont l’instabilité lui faisait pousser des cris, mêlés de rires.

Il fallut beaucoup d’or pour égaler le poids considérable du Soutien du Monde ; il y eut juste assez de perles ; pas assez de pierres précieuses.

Ce jeu paraissait amuser beaucoup le Soubab ; il se tenait là, ramassé, le cou dans les épaules, la face levée, roulant ses yeux au blanc bistré ; et, quand le trésor fut épuisé, il voulut que l’attabek et le hadjib se missent tous deux dans le plateau, pour voir s’ils