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Il aperçut Chanda-Saïb à quelque distance. Alors un flot de haine et de rage souleva son cœur.

— Je te donne la récompense que tu demanderas, si tu peux, à travers la mêlée, rejoindre mon ennemi, dit-il au conducteur de son éléphant.

Le mahout se hâte, écrasant tout ce qui entrave sa route, et déjà Chanda-Saïb est à portée de la voix.

— Arrête-toi, misérable, et viens me combattre si tu l’oses ! lui crie Allah-Verdi. Viens, lâche, qui fais gagner tes batailles par des sorciers d’Europe. Vil aventurier, à qui le pouvoir de nabab irait autant que le turban à un âne ! Viens que je t’arrache ta vie immonde, que je fasse rouler ta tête, qui offusque les yeux, sous les pieds des éléphants !

— C’est vrai, je suis le seul de la famille que tu n’aies pas fait assassiner ! s’écrie Chanda-Saïb, qui s’efforce énergiquement d’approcher. Infâme vautour, tu vas enfin expier tous tes crimes, ton jour est venu. Je vois planer tes victimes, attendant ton âme gangrenée pour la jeter à Iblis, du haut du pont de l’enfer !

Allah-Verdi, en ricanant, vise son adversaire et va lancer sa javeline, lorsqu’un coup de feu l’atteint au cœur et le renverse.

Qui a tiré ? On ne sait, la balle est partie des rangs français.

— Victoire ! crie Chanda-Saïb, qui s’élance et abat l’étendard du Carnatic.

Voyant leur chef mort et leur drapeau dans la poussière, ces troupes, qui tout à l’heure paraissaient déterminées à tenir ferme, lâchent pied et bientôt