ce dernier a seul les instructions secrètes. Chanda-Saïb a reçu les Français avec enthousiasme ; il a fait présent, à chacun des trois chefs, d’un superbe éléphant, avec son mahout et son harnachement ; c’est donc dans un houdah brodé que le marquis est couché, sommeille, rêve, ou cause avec son ami Kerjean, à qui il a offert l’hospitalité.
— On finit par se faire à ce bercement un peu rude, lui dit-il. On dirait une nourrice qui secoue son marmot pour le forcer à dormir.
— Les premiers moments m’ont paru abominables, dit Kerjean ; mais c’est vrai, on s’y habitue, cela finit même par devenir agréable. Savez-vous qu’il est magnifique votre éléphant !
— Je crois bien, et il a une physionomie très intelligente ; je l’aime déjà. Comment vais-je l’appeler ?
— Ajax ou Alexandre.
— Pourquoi ?
— Puisqu’il va à la guerre.
— Pas de son plein gré. Non, quelque chose d’hindou plutôt. Voici, je l’appellerai Ganésa.
— Qu’est-ce que Ganésa ?
— Le dieu de la sagesse, et ce dieu a une tête d’éléphant.
— Parfait. Appelons-le Ganésa. Voilà tout de même un singulier cadeau : un éléphant plus un homme. Cela va vous entraîner à des dépenses folles.
— Pendant la campagne, nos frais sont à la charge du nabab…
— Et après la guerre, nous serons millionnaires ! dit Kerjean, ou ces princes ne sont que des croquants.