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aucune aptitude militaire, et pas davantage de prétentions : c’est un marchand. Son seul souci, dans la question politique, c’est d’obéir strictement aux ordres supérieurs, et il obéit, à travers tout, même si des circonstances imprévues rendent l’exécution d’ordres anciens absolument désastreuse. Comme, dans le cas présent, il n’a pas d’instructions spéciales, il se contente de hocher la tête. Ah ! s’il s’agissait d’affaires commerciales ou même de négociations avec l’ennemi, l’on pourrait voir qu’il a des capacités ; mais aux choses de la guerre il n’entend rien !

Cependant il ouvre une idée ; cette voix du canon l’attire au dehors, il se lève en conviant, d’un geste, à le suivre, les officiers réunis.

— Allons voir par nos yeux, dit-il.

Les voici sur la plate-forme, inondée de soleil, d’un des bastions, d’où ils découvrent la mer et la contrée à perte de vue.

Trois des vaisseaux français se sont approchés des remparts autant que l’eau le permet. Un des enseignes nomme ces navires : le Lys, le Neptune et celui qui est le plus en arrière, mais tire sans relâche, l’Achille, un beau navire qui porte soixante-dix pièces de canon et quatre cent cinquante hommes d’équipage.

Du côté du couchant, sur le rivage, on aperçoit un fourmillement ; et la batterie de six mortiers, établie pendant la nuit, dirige un feu assez nourri vers la porte Saint-Honoré.

— Cette batterie, tout en nous attaquant, doit masquer et protéger une marche de l’ennemi, dit le lieutenant Harrys.