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Aux écuries on attelle les chevaux à tout ce qu’il y a de véhicules.

L’effarement n’est pas moindre dans la ville ; on court, on s’interroge, on se redit la nouvelle terrible ; mais bientôt les rues se font désertes, car les bombes y éclatent, et, déjà, l’on a emporté quelques blessés.

Les habitants ont confiance pourtant ; les indigènes surtout croient la place imprenable ; mais l’état-major, réuni en conseil extraordinaire dans l’intérieur de la citadelle, est beaucoup moins tranquille. Il sait bien, lui, que les murailles de la ville sont en mauvais état ; que le fort Saint-Georges même, construction oblongue de cent mètres de large sur quatre cents de long, n’est pas très formidable ; que le mur qui l’entoure a peu d’épaisseur, et que ses quatre batteries et ses quatre bastions sont d’un travail défectueux et peu solide. La garnison, il le sait bien aussi, est des plus misérables ; elle se compose en tout de trois cents hommes, parmi lesquels beaucoup de vagabonds, des déserteurs portugais et des noirs ; en fait d’officiers, trois lieutenants et sept enseignes ; et il y a bien peu à compter sur la valeur des troupes indigènes.

Le conseil, dans une salle sombre autour d’une table couverte d’un tapis vert, ressemble à une assemblée de muets. Le fracas des batteries, toutes proches, répondant au canon des assiégeants, est seul à parler, et il couvre d’ailleurs les rares voix qui laissent tomber de temps à autre des phrases insignifiantes :

— Quel plan adopter pour la défense ?

— Il faudrait connaître le plan d’attaque.

Le gouverneur Nicolas Morse, qui préside, n’a