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mides embaumées de son étalage, ou bien s’arrêtaient devant les marchands de boissons glacées. Du haut des vérandas, par-dessus les fleurs, de riches Hindous, assis sur des tapis, regardaient d’un air tranquille toute cette agitation, en fumant nonchalamment le houka. Des bruits de chants et de musique s’échappaient des cafés, fermés seulement par une draperie, et la mélodie s’entrecoupait du son intermittent des cloches sonnant l’angélus à l’église des capucins. Ils virent des prêtres gravissant en hâte les degrés du portail, et, plus loin, sortant d’une pagode au toit pyramidal, une troupe de bayadères voilées de gaze noire, parsemée d’or. Puis ils longèrent une haute muraille d’une blancheur éblouissante, tout unie, percée seulement d’un majestueux portail en ogive, revêtu intérieurement de faïences fleuries.

— C’est le palais du prince Salabet-Cingh, dit Kerjean.

Et longtemps de Bussy regarda en arrière.

Sur une vaste place où ils débouchèrent, la tour de l’horloge apparut, au milieu d’un joli jardin surélevé, enfermée par une balustrade crénelée, coupée de larges escaliers, que flanquaient des statues hindoues, représentant des perroquets géants à deux têtes.

Tandis que de Bussy admirait les sculptures d’une antique colonne de pierre, un coup de canon, venant du large, fit tressauter les deux amis.

Kerjean fit s’arrêter l’équipage.

— C’est le salut d’un navire qui arrive de France, dit-il.

De cette place on découvrait la mer. Ils aperçurent,