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que sur cette côte, éclairés en transparence, apparaissaient frais et lumineux sur le ciel d’un bleu violent, et produisaient le plus délicieux effet. De l’autre côté s’étendait l’azur de la mer des Indes, et sur la longue plage, qui semblait sablée d’or, se versait sans relâche l’harmonieuse cascade des lames argentées.

Les voitures allaient et venaient sous de beaux arbres sur deux lignes. Les femmes en toilette légère étaient couchées languissamment dans leurs belles calèches dorées ou peintes, et conduites par des cochers indiens vêtus de blanc. On voyait aussi des chaises à porteurs et des palanquins marchant sur une autre ligne, à côté des piétons, et beaucoup de cavaliers indigènes, sur des fins chevaux brillamment harnachés, passant au galop avec des envolements de draperies blanches. Plus bas, sur la plage même, s’agitaient la foule des noirs, lascars, matelots et employés de toute sorte, occupés à charger et à décharger les cargaisons, transporter et inscrire les marchandises ; c’était le mouvement, l’animation fébrile, le brouhaha d’un port de commerce en pleine prospérité. Çà et là, la haute silhouette massive des éléphants, dressés au travail, dominait le fourmillement des hommes.

La mer était couverte d’embarcations, allant et venant, et plus loin, dans la rade, apparaissaient quelques navires, dessinant sur le ciel leur mâture affinée en dentelle.

Maintenant, Kerjean nommait toutes les femmes qui passaient et racontait sur leur compte maintes anecdotes indiscrètes, que Bussy n’écoutait qu’à demi.