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Celui qui entra était un Hindou, vêtu seulement d’un langouti de toile blanche. Il se précipita à genoux devant la begum et toucha le sol du front.

— Parle, dit-elle, qu’as-tu à m’apprendre ?

L’Hindou se redressa, mais resta à genoux.

— Lumière du monde, dit-il, dispensatrice des grâces, maîtresse de notre vie ! puisse ton ombre ne jamais décroître, puisse ta fortune s’élever jusqu’aux étoiles ! Selon tes ordres, je me suis caché sous le costume d’un de ces vils adorateurs d’Allah et, sans éveiller de soupçons, j’ai pu me glisser au milieu de l’armée du nabab. Le général Marphiz-Khan, plein de ruse et de malice, cherche à détourner le cours du Montaron, pour tarir la source qui alimente Madras et faire mourir de soif ceux qui défendent la ville. Voilà, begum, ce que j’ai surpris ; les soldats construisent une digue énorme en travers du fleuve et travaillent avec tant d’activité que, peu d’heures après mon départ, les assiégés ont dû s’apercevoir que l’eau diminuait dans la ville.

— Est-ce tout ce que tu sais ?

— C’est tout, begum.

— C’est bien, va. Tu recevras ta récompense. L’homme se prosterna de nouveau, puis se leva et, après avoir salué les assistants en croisant ses bras sur sa poitrine, sortit rapidement.

Bussy donna lecture de sa traduction.

— Je me doutais bien de quelque ruse, dit Dupleix. Le manque d’eau est intolérable sous cette latitude et il faut absolument que d’Espréménil tente une sortie.