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folie. Ce serait d’ailleurs manquer de dignité que nous soumettre ainsi, et notre crédit en serait obscurci. Puisque le nabab nous attaque, à mon avis, il faut nous défendre.

— Comment serait-ce possible dans l’état où nous ont mis les dernières affaires ? Nous sommes une poignée d’Européens : que pouvons-nous contre une armée, tandis que l’escadre anglaise nous menace, et que nous n’avons plus rien à lui opposer sur mer ?

— L’escadre est le point noir à l’horizon, dit Dupleix, et le nabab c’est le danger immédiat. Si, avec l’aide de Dieu, nous en triomphions, notre situation serait meilleure pour faire face au danger prochain. Si, au contraire, on nous reprend Madras, nous sommes bien près de notre perte.

— Mais enfin qu’avez-vous à mettre en ligne contre l’armée du nabab ?

— L’armée du nabab compte environ dix mille hommes. Nous avons à Pondichéry cinq cents Européens et quinze cents cipayes ; à Madras, cinq cents blancs et six cents soldats indigènes : en tout, mille Européens, répondit fièrement Dupleix.

— Un contre dix ! Vous n’avez pas l’idée de jouer cette partie ?

— Vous la voulez pire encore ; vous voulez voir Pondichéry assiégée par terre et par mer ; vous voulez voir les Indiens alliés des Anglais !

— Monsieur, s’écria Bussy en s’approchant vivement du gouverneur, j’ai la plus grande confiance dans votre génie, je suis prêt à marcher, avec la cer-