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puis passaient. Dupleix répondait, par un salut, par un sourire, par une phrase affectueuse. Au-devant de certains personnages importants il faisait quelques pas ; puis la foule se répandait dans les salons, sous les galeries, à travers les jardins illuminés, formant une cohue brillante et joyeuse.

Quand Bussy s’approcha à son tour, Dupleix lui tendit la main et le présenta à sa femme.

— Elle est mon ministre le plus habile, dit-il en souriant, la moitié de moi-même. C’est la bégum Jeanne, comme l’appellent les indigènes, ce qui veut presque dire la reine. Défiez-vous d’elle, elle sait tous les dialectes de l’Inde.

La bégum riait. Elle était très séduisante et très superbe, à demi Indienne de type, vêtue de brocart d’argent et couverte de pierreries comme une idole.

— N’écoutez pas mon mari, dit-elle à Bussy en hindoustani ; son affection pour moi l’aveugle.

— Mériter l’amour d’un tel homme, madame, répondit-il, dans la même langue, c’est le plus glorieux des triomphes. Vous voir l’un près de l’autre c’est voir Rama et Sita.

— Il parle fort bien, dit-elle à Dupleix, à demi-voix, pendant que Bussy s’éloignait.

Kerjean était à quelques pas au milieu d’un groupe de jeunes filles. Il courut à son ami :

— Venez par ici, ne vous perdez pas au milieu de cette foule d’inconnus ; je vais vous présenter à de charmantes personnes.

Les jeunes filles se turent et cessèrent de rire, examinant, sans en avoir l’air, le nouveau venu, dont la